Le domaine d’études de master Matérialité et architecture des territoires a pour fondement thématique celui de la matérialité, notion fondamentale en architecture, qui renvoie à la matière, à la mise en espace et au territoire de l’habiter. Il pose aussi la question de la matérialisation en architecture. Car du point de vue épistémologique, l’architecture est la concrétisation d’une pensée en un objet architectural conçu dans et pour un milieu défini, qui puisse faire sens aujourd’hui. Si l’on s’accorde à penser que l’enseignement du projet ne peut plus se satisfaire d’être d’ordre doctrinaire où prévaut la transmission d’un seul savoir-faire aux séries de procédures de conception identifiées et circonscrites ; et si l’on considère que la pratique de la conception des lieux et des milieux habités doit répondre à la complexité des nouvelles situations critiques de notre monde… alors enseigner l’architecture peut consister à rechercher et définir les conditions des possibles qui s’ouvrent à l’architecture aujourd’hui, non seulement en s’appuyant sur des résultats de recherche en architecture mais en constituant bien en soi aussi une forme de recherche par et autour du projet. Depuis la fin du 20e siècle, on constate une forme d’incertitude théorique très bien décrite par des architectes comme Rafael Moneo, Rem Koolhaas, Jacques Lucan. Les théories et les pratiques de la conception architecturale inscrites dans des visions “doctrinaires” laissent place à des théories explicitant le sens dans ce qui fait l'architecture. S’il reste une doctrine, c’est donc celle d’une particularisation, d’une individualisation, d’un état de recherche permanent pour trouver sens et pertinence à un projet, en un lieu, dans un milieu.
Si la pensée par les théoriciens n’est plus directive, mais juste référence, complexe et contradictoire, l’architecte doit tout de même concevoir et conduire l’édification du bâti. Ce qui est matériel, cher et prégnant dans le paysage, pérenne et permanent, autant de conditions auxquelles le bâtiment ne peut échapper. Cette posture soulève deux questions :
Cette approche inductive occupe une place particulière dans le cadre pédagogique de l’école : même si aujourd’hui le domaine d’études de master accueille des étudiants de formation initiale (1/3 de l’effectif), cette pédagogie fut structurée initialement pour la formation professionnelle continue – FPC et pour des étudiants professionnels par ailleurs déjà diplômés dans d’autres disciplines (ingénieurs, paysagistes, urbanistes, architectes d’intérieurs, des Bac+3 à Bac+8, des compagnons du tour de France…).
L’élaboration des projets de fin d’études – PFE se déroule en deux temps. Une première période permet d’aboutir à un énoncé critique.
Pour l’étudiant, il s’agit de délimiter, construire, élaborer et expliciter un contexte de conception qui se caractérise par :
Le second temps consiste à concevoir un projet et à le communiquer. Le projet peut être considéré de plusieurs manières, comme :
Au final, l’étudiant est amené à démontrer sa capacité à réfléchir à la question architecturale quand il pratique la conception, à donner sens à son action d’architecte de manière autonome. Le DEM a donc pour ambition d’être une forme de laboratoire, encadré par des enseignants praticiens et chercheurs, de différentes disciplines, et questionnant en permanence la discipline et les pratiques de l’architecture.
En conclusion, à partir du moment où l’on sort, ou du moins où l’on tente de quitter la dimension doctrinale inhérente à la pratique du projet, le projet n’est plus alors à considérer comme une fin formelle unique ou comme une seule capacité à concevoir et dessiner suivant différents niveaux de définition un objet dans une finalité potentiellement constructible. Le projet d’architecture - avec sa stratégie territoriale ou thématique qu’il caractérise - devient alors un outil de manipulation et de mesure, et aide à construire des hypothèses voire de la connaissance rétroactivement ou itérativement… Il est donc tout à la fois mobilisateur et générateur de recherche, de connaissance, dans et après un processus de conception, interrogeant tout autant la recherche que la pratique. Il agit donc rétroactivement pour réengager des démarches, ou mieux, pour créer des démarches itératives par approximation ou induction.
Fondamentalement le triptyque SUJET – FAIRE – OBJET habite donc de manière classique cette activité de projet et de recherche. Ce triptyque s’envisage alors comme un processus singulier propre à chaque étudiant, à chaque projet, à chaque situation.
Il s’agit donc d’entrelacer les pratiques de recherches en architecture : celles sur le projet et ses pratiques, celles par le projet et ses expérimentations, ou encore celle de la recherche action et son récit à venir. C’est donc là que se matérialise la question de l’acte de création et de la recherche : entre le lieu de recherche et les temporalités de projet, entre idiosyncrasies et modalités d’existence du projet. C’est dans cet espace particulier de l’enseignement supérieur et de la recherche qu’il est permis d’envisager des ateliers de projet “théorétiques” travaillant sur des “matières d’architecture” liées aux domaines de l’action et du poétique.
Chaque étudiant porte ainsi ses questions propres en toute liberté, de manière singulière.
William Hayet est architecte, enseignant au sein du champ disciplinaire Théories et pratiques de la conception architecturale et urbaine. Il est chercheur au sein de l’unité de recherche Lyon architecture urbanisme recherche - LAURE, composante de l’unité mixte de recherche - UMR 5600 Environnement, Ville et Société. Chantal Dugave est architecte, artiste et enseignante au sein du champ disciplinaire Art et techniques de la représentation, et chercheure au laboratoire GERPHAU LAVUE UMR-CNRS 7218.
Stéphane Coulaud – Pierre Gras – Alain Paris – Boris Roueff – William Vassal
Benjamin Chavardès – Nune Chilingaryan – Stéphane Coulaud – Chantal Dugave – Pierre Gras – Pierre Grosmond – William Hayet - David Marcillon – Jean-Pierre Marielle – François Nowakowski – Alain Paris – Arnaud Renouard de Bussières – Emmanuel Ritz - Anolga Rodionoff – Boris Roueff – William Vassal – Chris Younès
Le DEM MAT expérimente des stratégies de projets architecturaux à différentes échelles intégrant l’articulation entre analyse du projet et intégration des écosystèmes. Libre dans le choix de son sujet, l’étudiant a défini le cadre thématique, contextuel, référentiel et méthodologique, et développé/étayé et/ou expérimenté une problématique à travers son PFE singulier. Le travail ainsi engagé s’entend donc autant comme les prémices d’un travail dépassant l’articulation projet/recherche, que comme un travail sur la matérialité dans lequel ils nous a été permis d’envisager des projets “théorétiques” travaillant sur des “matières d’architecture” liées aux domaines de l’action et du poétique.