Ce matin, à la radio, un philosophe expliquait qu’en art le beau est ce qui crée de l’harmonie, de l’ordre, une certaine manière de montrer le réel, de le représenter avec une organisation, une composition. Pas question ici d’échelle de valeur, de morale, ou de recherche d’une quiétude béate : un tableau, une architecture, un site, peut être violent, chahuté, beau et vivant. Turner, lui, atteignait le sublime. Le sublime c’est ce qui transcende le réel, nous transporte au-delà, dans l’imaginaire d’une réalité recomposée, suscitée, montrée, expressive. Transcender le réel, sans avoir la moindre prétention d’une quête du sublime, est ce qui m’intéresse. Partir d’une réalité, d’un site, d’une situation, d’une matière, d’un mode constructif, et les détourner, les recomposer, composer avec l’état de ce qui nous entoure, se donner le droit de jouer avec tous les éléments qui le composent me parait une piste intéressante, modeste, pour l’acte de fabrication de l’architecture. Pierre Restany, qui fut mon professeur à la Domus Academy de Milan où j’ai étudié le design était le théoricien du mouvement des nouveaux réalistes. “Les nouveaux réalistes considèrent le Monde comme un Tableau, le Grand Œuvre fondamental dont ils s’approprient des fragments dotés d’universelle signifiance. Ils nous donnent à voir le réel dans les aspects de sa totalité expressive. Et par le truchement de ces images spécifiques, c’est la réalité sociologique toute entière, le bien commun de l’activité des hommes, la grande république de nos échanges sociaux, de notre commerce en société qui est assigné à comparaître”. Pierre Restany, “À 40° au dessus de DADA”, préface au catalogue de l’exposition, Galerie J, 1961 Ces trois ans à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon m’ont offert un temps de remise à plat, de liberté, pour revisiter mes maîtres. Ce projet de fin d’études concrétise mes envies, mes désirs, puise dans des références artistiques et architecturales pour recomposer sur la base des réalités d’un temps donné sur un site particulier, dans un quartier vivant, un fragment du Grand Œuvre. Merci à Claude Hourcade qui, grâce à ses convictions, a permis aux personnes comme moi, (après un parcours d’étude aux beaux arts de Bourges, à la Domus Academy de Milan et une vie professionnelle déjà bien remplie), de prendre ce temps de recul, de travail et de réflexion qui, à coup sûr, ouvrira de nouveaux horizons.