Avant de se présenter, on voudrait d’abord vous remercier pour votre gentille attention, car ce prix nous fait très plaisir. Surtout que nous n’avons pas toujours été très gentils. Nous avons été un peu provoc, méchants parfois, turbulents, des enfants terribles et dilettantes de la pire espèce. Des sales gosses, quoi (ou alors aurait-on seulement voulu l’être ?). Alors nous remettre ce prix, pour nous, c’est prendre conscience que peut-être vous nous aimez un peu. Et ça, ça nous touche. Une seule chose nous chagrine un peu, c’est qu’on en arrive presque à se dire que si on n’avait pas été méchants, vous nous aimeriez plus. En attendant, ça donne envie d’être encore plus dissipés pour voir jusqu’où il est politiquement correct de nous aimer encore. On s’y emploiera très vite, c’est promis. Mais au fond, on n’est pas aussi vilains qu’on voudrait le faire croire. Et puis d’abord on n’avait pas le choix, il fallait bien échapper au greenwashing galopant. Pour deux immoraux green-skeptics de notre acabit, le développement durable se traduit trop souvent au travers d’une mouvance castratrice et moralisatrice qui pourrait cependant se révéler un nouveau paradigme, une nouvelle manière de voir le monde, et en conséquence, de s’y inclure. Notre vision du développement durable est sincèrement hédoniste et profondément responsable. Car sa première mission est d’offrir à ceux qui nous suivent des raisons de penser qu’ils ne sont pas issus d’une génération perdue. Dans cette optique, nos idées ne pouvaient pas naître dans un climat de peur de l’avenir, des catastrophes en tout genre, de la montée du niveau des mers et des guerres liées aux ressources primaires. Nous ne nous sommes pas fait les annonciateurs de la fin du monde capitaliste, et la crise ne nous fait pas changer d’avis. La crainte n’apporte rien de bon, le désir, si : il engendre la pensée. Nos propositions pour le port Édouard Herriot sont basées avant tout sur des envies, de l’affectivité : du désir. Le site du port est beau, riche, tentant. Nous l’aimions sincèrement, et comme toute relation amoureuse est pleine de contradictions, nous lui avons offert un projet autant complexe qu’amène. Les différentes échelles et problématiques concernant la ville y étant imbriquées, il nous a fallu nécessairement trancher, faire des choix en toute conscience de leurs conséquences, entre nos envies, nos sensibilités, nos raisons, et celles de tous les autres : trouver un terrain d’entente. Notre travail tente de faire de la place aux autres, en installant les espaces et les temps indispensables à la concertation et aux nouvelles formes de participation sociale qui essaiment une nouvelle manière de penser la ville autant que de la vivre. Il tente de déplacer les limites en explorant la dimension politique de l’architecture, qui n’a pas peur de s’appuyer sur les nouvelles technologies et ses utilisations émergentes pour s’effacer ou se dissoudre dans la capacité de la société à construire son propre espace. Il tente de faire entrer la dimension temporelle du projet au sein même de la conception, pour s’inclure dans la complexité des environnements approchés. Il veut offrir un reflet de la multitude de réalités qui habitent notre environnement, un univers en constante redécouverte où le merveilleux est à portée de main et n’attend qu’une vision critique pour surgir.