Élisabeth Sulmont

Le Louvre-Lens s’est installé en 2012 dans un territoire profondément marqué par l’exploitation minière. Malgré un désir d’égalité dans l’accès à la culture, cette fragile greffe dans le paysage minier n’a fait que mettre en exergue la scission profonde entre deux écotones sociaux et culturels. Aussi lorsque le 7 février 2013, une habitante du bassin minier inscrit au feutre “AE911” sur l’œuvre La liberté guidant le peuple du peintre Delacroix, la société crie au vandalisme et condamne cette femme à une lourde peine. AE911 requestionne la justesse de cette condamnation : plutôt que de considérer cet acte comme déviant, n’est-il pas un appel à exister ? AE911 est un pattern répété, celui de la désolidarisation entre un peuple et ses institutions. De la femme représentée par Delacroix à celle du tag, il n’y a qu’un pas : toutes deux incarnent une allégorie de la liberté, un symbole démocratique. Mais si la parole n’a jamais été donnée à l’une, l’autre en est dotée et incarne ainsi “la voix du peuple mineur”.